Une bonne cuvée belge pour les fusions et acquisitions

L’année 2019 s’avère être un grand cru pour les rachats ou cessions d’entreprises impliquant un acteur belge. Ces opérations totalisent pas moins de 40 milliards d’euros (+75% par rapport à l’année précédente). Deux méga transactions du groupe AB InBev y ont contribué.

La période précédant Noël est traditionnellement riche en opérations de fusions et acquisitions. Les entreprises espèrent ainsi boucler des rachats avant l’hiver.

La fin de cette année s’est distinguée par de nombreuses petites transactions conclues juste avant la trêve des confiseurs. Nous en épinglerons deux en raison de leur ampleur nettement supérieure à la moyenne: la vente, pour quelques centaines de millions d’euros, de la société intérimaire belge Agilitas à un groupe de son secteur, le français Proman; et le rachat par DPG Media (ex-De Persgroep) des magazines de Sanoma Pays-Bas pour un demi-milliard d’euros.

En Belgique

Cette frénésie de rachats en décembre s’inscrit dans le droit fil d’une année très active sur le marché belge des fusions et acquisitions. Au cours des douze mois écoulés, les transactions impliquant un acheteur, un vendeur ou une cible belge ont représenté quelque 40 milliards d’euros, selon les chiffres collectés par le fournisseur de données Dealogic et la rédaction.

Ce montant est supérieur de près de 75% à celui de l’an dernier (23 milliards). Cette hausse impressionnante à première vue est due en grande partie à deux opérations du géant brassicole AB InBev: la vente de sa filiale australienne CUB à Asahi (pour 10 milliards d’euros) et la cession d’une participation de 13% dans sa filiale asiatique dans le cadre d’une introduction en bourse à Hong Kong (pour 4,5 milliards d’euros).

Mais, même sans ces deux méga deals, le marché belge a réalisé une belle performance avec un montant total de 25,5 milliards d’euros (+11% sur un an). Ce résultat est surtout le fruit d’un nombre croissant d’opérations supérieures à 500 millions d’euros. En 2019, on en compte 13, contre 9 en 2018 et 8 en 2017. Au cours des douze mois écoulés, quatre deals belges ont dépassé le milliard d’euros.

À l’international

Sur le plan international, Dealogic a comptabilisé des transactions pour près de 4.000 milliards de dollars (3.560 milliards d’euros). Si le montant paraît époustouflant, il n’en est pas moins légèrement inférieur à celui de 2018 (4.111 milliards de dollars). Mais peut-être réussira-t-il à combler son retard au cours des dernières heures de 2019…

Les grandes opérations dominent le classement. Au sommet, on pointe le rachat de Celgene, société active dans le traitement du cancer, par le groupe pharmaceutique Bristol-Myers Squibb pour un montant (dettes comprises) de 99,9 milliards de dollars.

Ce type d’énormes deals influence fortement le résultat final: le top 40 des opérations de plus de 10 milliards de dollars a représenté un montant supérieur à 1.000 milliards de dollars, selon la rétrospective annuelle du cabinet d’avocats Allen & Overy.

Tout comme les années précédentes, le marché des fusions et acquisitions a été dopé par la faiblesse des taux d’intérêt, qui permet aux entreprises d’emprunter à bon marché pour financer leurs opérations de rachat, mais aussi par les tonnes de cash dont disposent les groupes et les fonds d’investissement, et par les valorisations et cours de bourse élevés, qui favorisent la vente d’actifs.

Un autre phénomène est le repli des entreprises sur leur marché domestique. L’an dernier, le nombre d’opérations de rachat transfrontalières a diminué de plus d’un quart. Dans le classement des principales transactions de l’année, on ne retrouve le premier deal de ce type qu’à la onzième place.

Recul pour les introductions en bourse

En 2019le nombre d’introductions en bourse dans le monde a diminué de 20% (à 1.242) pour un montant collecté en baisse de 8% à 206,1 milliards de dollars, malgré quelques très grandes opérations comme celles concernant Alibaba (11 milliards de dollars) et le groupe pétrolier saoudien Aramco (25,6 milliards de dollars).

Selon le cabinet d’avocats Baker McKenzie, la timidité boursière des entreprises s’explique par les tensions géopolitiques: protectionnisme, conflits commerciaux, saga du Brexit et troubles à Hong Kong. « Les investisseurs sont restés en retrait, espérant la fin de ces incertitudes », peut-on lire dans la revue annuelle du cabinet.

Si ce tableau international est en demi-teinte, que dire du bilan des entrées en bourse à Bruxelles? C’est une énième année de vaches maigres pour Euronext Bruxelles. Seule nouvelle venue à la cote de notre bourse: Sequana Medical. L’opération n’a guère été flamboyante: les 27,5 millions d’euros collectés par l’entreprise medtech (pour un prix de l’action dans le bas de la fourchette, ce qui traduit un faible intérêt) provenaient en grande partie des actionnaires existants.

Euronext Bruxelles présente un meilleur bilan au niveau des opérations capitalistiques. Selon nos données, les entreprises cotées sur notre place ont collecté 2,5 milliards d’euros par le biais d’augmentations de capital. Ces opérations concernent quasi exclusivement des entreprises actives dans l’immobilier et la biotechnologie, les deux piliers traditionnels d’Euronext Bruxelles.

Les émissions obligataires ont connu également un certain succès. Ainsi, AB InBev s’est refinancé via une méga émission de 14 milliards d’euros. D’autres entreprises belges ont levé 5,8 milliards d’euros à travers des opérations de ce type.

Que nous réserve 2020?

Sur le plan des cessions et rachats, quelques dossiers ont déjà été lancés, comme la recherche d’un quatrième actionnaire pour Studio 100, d’un acheteur pour le spécialiste de l’hygiène CID Lines ou d’un partenaire à long terme pour l’entreprise technologique Televic. Pour Le Pain Quotidien, il y a également du grain à moudre du côté de l’actionnariat. Idem chez le chocolatier de luxe Marcolini, où une recomposition du capital est attendue, vu que le fonds d’investissement Neo envisage d’en sortir.

Euronext Bruxelles pourrait accueillir deux nouvelles sociétés. Le gestionnaire de documents numériques UnifiedPost, qui envisage depuis quelque temps une introduction en bourse, souhaite lever quelque 100 millions d’euros. Mais il pourrait aussi aller les chercher chez un investisseur privé.

Euroclear, le géant de la gestion des titres établi à Bruxelles, réfléchit également à l’option boursière. Certains actionnaires, qui veulent sortir de son capital, ont mandaté une banque d’affaires pour étudier les différentes pistes possibles. Une entrée en bourse en est une, la vente d’un bloc d’actions à une ou plusieurs sociétés en est une autre.

MICHAËL SEPHIHA
L’ECHO 31/12/2019

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