Les acquisitions vont-elles résister au virus ?

La crise pandémique va-t-elle mettre brutalement fin au courant d’opérations de fusions et d’acquisitions qui était très soutenu dans le monde ces trois dernières années ?

On assiste ces derniers jours à un assèchement sur le front des opérations de fusions et d’acquisitions. Alors qu’à la mi-mars, avant le déclenchement des mesures de confinement en Europe et en Amérique, le bureau spécialisé MergerMarket avait observé une baisse de 28% de la valeur des deals dans le monde, la semaine dernière cette activité a touché un plancher qu’on n’avait plus atteint depuis avril 2009, au cœur de la crise financière. Les opérations ont totalisé à peine 12,5 milliards de dollars sur la semaine, selon les calculs du bureau Refinitiv cité par le Financial Times (FT). Sur l’ensemble du trimestre, la chute des deals en valeur est estimée à 28%, à 698 milliards de dollars – comme diagnostiqué quinze jours plus tôt par MergerMarket.

La crise pandémique explique bien entendu la chute des derniers jours, mais pas celle des trois premiers mois. Quand on détaille les baisses par région, en effet, on voit que la plus forte chute est à mettre à l’actif de l’Amérique du Nord, et surtout des États-Unis, et qu’elle y est apparue sur l’ensemble de la période. Les relents de guerre commerciale avant l’extension de l’épidémie et le fait qu’il s’agisse d’une année électorale ont pesé sur l’activité outre-Atlantique en janvier et février.

Trop optimiste?

Reste que le tarissement des derniers jours laisse augurer un cru déprimé. Est-ce la fin du boom de fusions qu’on enregistrait depuis plus de trois ans sans discontinuer? s’interroge le FT. « La réponse semble être ‘non’, mais la plupart des négociateurs sont d’indécrottables optimistes. »

« De nouveaux mandats arrivent, mais à un rythme moins élevé. »

Dans les officines des conseillers, en Belgique, on ne crie pas encore au loup. « Beaucoup de gens pensent que tout cela n’est que temporaire », dit l’avocat Pierre-Olivier Mahieu, partner du bureau Allen & Overy Belgium. « Le niveau d’activité reste bon, on continue, sauf exceptions, de travailler sur les opérations en cours », relève son confrère Vincent Dirckx, partner chez CMS De Backer. « De nouveaux mandats arrivent, mais à un rythme moins élevé. »

Délais allongés

Les dossiers prendront de toute manière plus de temps à boucler, ne serait-ce que parce que certaines procédures sont provisoirement suspendues. Exemple: l’Autorité belge de concurrence a demandé de ne plus lui notifier de deal pour l’instant.

Les candidats acquéreurs vont par ailleurs redoubler de prudence. « Lors de la phase de ‘due diligence’, ils vont s’assurer que la société cible ne sera pas trop impactée par le coronavirus et qu’elle a pris les mesures de protection nécessaires, explique Vincent Dirckx. Si leur examen s’avère négatif, ils vont se retirer ou renégocier le prix. »

L’expert prévoit aussi le retour en grâce de deux clauses dans les contrats d’acquisition: la clause de « earn-out » (complément de prix) et celle de « material adverse change » (changement défavorable important). La première prévoit qu’une partie du prix de la cible dépendra de ses performances futures. La seconde qu’on annule la vente en cas d’événement significatif. On écarte, dans ce dernier cas, la survenance d’une crise affectant de manière générale les marchés, comme la pandémie aujourd’hui, mais on peut rédiger la clause de manière telle qu’elle puisse s’appliquer si la cible s’avère plus impactée que les autres sociétés du secteur.

Mais les crises créent aussi des opportunités d’achat. Dans une récente analyse, MergerMarket rappelle à ce propos que lors de la crise financière, en Europe, les secteurs phares avaient continué d’être visés par les fonds. Le secteur le plus populaire alors était… la pharma. Qui figure au centre de toutes les attentions aujourd’hui.

MICHEL LAUWERS
L’ECHO – 31 mars 2020

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